24bis) Les technologies de grand-père. (Chapitre dédié à celle et ceux qui ont du temps …)

C’est toujours avec une certaine concupiscence que l’on écoute grand-père qui regrette le passé et radote régulièrement son « de mon temps … ». Pourtant, ces technologies d’une époque révolue étaient incontestablement d’une efficacité qui n’a rien à voir avec la débauche boulimique de composants intégrés dans les matériels actuels. Il est vrai que ces appareils d’une autre époque étaient volumineux, consommaient beaucoup d’énergie, cependant, en termes d’optimisation rien ne peut les égaler.

Quelques comparaisons objectives.

Pour se rendre compte de l’optimisation des matériels du passé, le mieux me semble t’il consiste à comparer avec pertinence ces technologies révolues avec celles actuelles. Nous allons commencer par sa Majesté la Machine de Turing. Supposons que l’on désire en faire une version « silicium » utilisant des circuits intégrés TTL par exemple. Dans ce but nous allons choisir des SN7400 qui intègrent chacun quatre « portes » de type NAND. Comme montré sur la Fig.122, pour transformer ces opérateurs logiques standard en bascules de type ON / OFF on les couple par paires. Naturellement, il est totalement hors de question de détailler le fonctionnement de cette bascule. Il suffit de savoir que deux entrées sont indispensables, l’une pour forcer l’état « 1 » en sortie, l’autre pour rebasculer à « 0« . Deux opérateurs NAND sont donc nécessaires pour obtenir l’équivalent d’une section d’un des relais de notre machine. Pour émuler un relais complet avec ses deux sections, il faut câbler deux bascules en parallèle ce qui consomme un circuit SN7400 complet. Quand on décortique le schéma interne d’une porte NAND, on constate qu’elle est constituée d’environ huit transistors, huit diodes et autant de résistances. Donc, l’équivalent « silicium » d’un de nos relais exige 32 transistors. Pour remplacer les 46 relais électromagnétiques, il faut donc 1504 transistors, diodes et résistances. Et encore, nous somme en présence ici d’une technologie qui n’est plus actuelle. C’est avec un microcontrôleur de type ATméga328 qu’à ce jour nous serions tentés d’émuler une telle machine. Je vous laisse le soin d’aller voir combien de transistors sont intégrés dans un tel processeur, popularisé par la famille de cartes électroniques ARDUINO …
Dans la cuisine de la maison de famille, trônait le poste récepteur de radio avec une grande antenne en serpentin qui barrait le plafond en diagonale pour avoir une longueur suffisante. Ce récepteur captait en grandes ondes, en petites ondes et en ondes courtes. La modulation de fréquence n’existait pas encore. Et bien pour recevoir fort et clair en « haut parleur », un tel appareil ne consommait que 6 tubes à vide, sept dans le meilleur des cas. Ces choses rougeoyaient légèrement car pour exciter leur cathode, il y avait un filament chauffé au rouge. C’est la raison pour laquelle on utilisait le vocable « poste à lampes ».
Pensez qu’avec trois tubes seulement on réalisait un électrophone, et qu’un récepteur de télévision n’intégrait tout au plus que huit « lampes », plus le tube cathodique qui servait d’écran. Ce n’est pas avec huit transistors que l’on peut espérer une telle performance. Oui, je sais que la définition n’était que de 625 lignes ou 819 lignes entrelacées, et que c’était du noir et blanc. Reste que coté optimisation on ne pourra plus jamais égaler ces ancêtres d’un autre temps.
Force est de constater que nos technologies actuelles sont boulimiques et exagèrent à outrance, car ce que l’on cherche à optimiser, c’est le prix de revient. Dans un tel contexte, ce sont les études qui engagent financièrement les entreprises. Que l’on grave 100000 transistors ou 300000 sur « la puce » n’a que peu d’incidence sur le coût final. Alors vogue les compilateurs, les générateurs automatiques de circuits électroniques. Ces logiciels font gagner un temps d’étude considérable, mais multiplient de façon faramineuse le nombre de composants sur les substrats. Et cette boulimie a un prix énergétique. Chaque transistor ajoute sa petite contribution thermique et sa consommation propre. Le bilan est tristounet : Ces circuits merveilleux qui équipent nos lave-linges, nos machines à laver, nos téléviseurs grèvent de façon cachée mais dramatique le bilan énergétique et thermique de ces technologies « actuelles ». À tel point que sur nos ordinateurs et autres gros serveurs et « Data Centers » camouflés du public, le plus gros problème consiste à en évacuer la chaleur ! Le monde n’est pas tout rose quoi qu’en disent « ceux qui le dominent » …

Performance de cette « chose ».

Restons toutefois sur une note d’optimisme. Brasser du noir ou ressasser le passé est strictement sans intérêt. Aussi, revenons à ce projet complètement fou qui au final trône victorieux sur la table vernie du salon. (Heuheuheue, ce n’est qu’une expression, Thérèse ne serait pas du tout d’accord !)
Malgré son apparence d’un autre âge, l’allure d’un « dinosaure », cette chose reste absolument « unique » et bat trois records mondiaux. OUI OUI OUI, j’ai bien dit TROIS RECORDS MONDIAUX !
• C’est à ce jour l’ordinateur le plus lent du monde !
• C’est à ce jour l’ordinateur le moins performant du monde !
• C’est l’ordinateur qui présente et de loin le coût du BIT de mémoire le plus élevé au monde. Comparé à celui d’un BIT d’une mémoire SD RAM actuelle son coût et environ 800000 fois plus important.
Mais ne vous y trompez-pas. Le nombre d’algorithmes différents qu’il peut exécuter dépasse le nombre de grains de sables totalisés par toutes les dunes, les plages et les déserts terrestres !
Enfin ne le titillez pas trop sur sa lenteur « mentale ». Il vous proposera un défi : On place dans sa MATRICE un algorithme, et « TOP CHRONO », vous avec un crayon et un papier, vous effectuez exactement comme lui les instructions, et on verra bien qui arrive le premier. (Ne tentez pas ce défi, vous n’avez strictement aucune chance de le battre, l’expérience l’a prouvé à maintes tentatives.)

La suite est ici : 25) Quelques remarques avant de se quitter..